... Au fil des poèmes de Jeanne CHAMPEL GRENIER
Et me voici assise à deux pas du lilas
Le soleil du matin veut faire mon bonheur
Et donne à ce massif un air de falbalas
Ce flou, cette douceur qui m'émeuvent déjà
Ah ! Ces ombres mouillées d'outremer, d'incarnat !
Je cligne un peu des yeux...Mon dieu quelle senteur !
J'ajoute un brin de vert pour souligner les branches
Sur fond de velours mauve mêlé d'un peu de gris
Il y manque vraiment un je ne sais trop quoi
Passe un papillon jaune...Le voilà, c'était lui !
Sans nuage
On ne s'ennuyait jamais
Nous deux
On avait tant de choses
À ne pas se dire
C'était notre ''grand bleu''
Sans nuage
Et plein d'oiseaux
Dans les parages
Qui se racontaient
Leur vie
Même ton chat
Avait tout dit
Et restait là
Tranquille...
Il ne serait pas
Du voyage
C'était dit !
Il aimait trop
La balancelle
Sous l'appentis
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Illustration et Poème
extrait de "Le ciel est bleu, ma mère est belle"
Sans voix
Il est petit
Je suis sans voix
Il vient parfois
Ou ne vient pas
Gris et léger
Cendre de bois
Un peu de braise
Autour du cou
Lorsqu'il fait froid
Douceur de fraise
En temps de joie
Il est petit
Il ne sait pas
Que je le vois
Mon rouge-gorge
Du silence
Sautillante
Flamme de bois
Le monde en guerre
Est en émoi
Je perds ma mère
Je me noie
Et lui, il chante
Il ne sait rien
De tout cela
Il ne voit pas
Qu'il est petit
Petit espoir
Il joue
Je crois
À justifier
La foi
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Illustration et Poème
extrait de "Le ciel est bleu, ma mère est belle"
D'étranges fleurs
Il y a la nuit d'étranges fleurs
Qui dansent autour des maisons
Elles font relâche...
Abandonnés, les airs de potiches
Défaits, les rangs d'oignons
S'entremêlent
S'épousent, même
Puis vont se baigner
Bleues sous la lune
Et le regard doux
Des hiboux de fortune
Il y a la nuit d'étranges fleurs
Qui dansent autour des maisons
Il ne faut pas en avoir peur
Elles sont en douce déraison
Ce sont les fleurs de boutonnières
Et puis les fleurs de cimetière
Libres et belles à en mourir
Il y a la nuit d'étranges fleurs
Qui fuient les jardins, les maisons
Et s'en vont fleurir d'autres terres
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Illustration et Poème
extrait de "Le ciel est bleu, ma mère est belle"
Par amour des chevaux
Par amour des chevaux,
Il avait le cœur lourd
Car ils étaient de sable,
De brûlure de sel
Et sans eau
Les chevaux tristes
Pour touristes,
Les beaux chevaux blancs
Aux grandes paupières closes.
(...)
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Illustration et poème
extraits du "Chemin de Casaluz"
Vent Gitan
On l’entendait venir de loin
Un gémissement, un murmure
De l’eau qui coule sur les roseaux
Des chuchotements de poules d’eau...
Des vagues musicales
Alternées de silences,
Une procession lointaine
Avec des bruits d’essieux...
On courait dans les prés
Pour atteindre la route
Et voir venir, au loin
Cet orchestre hirsute.
C’était les bohémiens...
... C’était les bohémiens
Apportés par le vent,
Le vent venu du sud
Plein de hennissements,
De bruits d’ailes et d’écailles,
Le vent marin des plages
De Marie Salomé
Et de Sarah, la noire,
Les sabots des chevaux
Les roulottes et les chiens
Et toujours la musique
Des violons sur la terre
Et les harpes du vent...
(...)
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Illustrations et poème
extraits du "Chemin de Casaluz"
La voix du silence
Il faut écrire comme on part
sans trop de mots
Sans faire de bruit
À part le son de ce grelot
Qui tremble en cime de bougie
Douce vigie du verbe enclos
Éclairant un coin du hasard
Soufflé par l’étroite fenêtre...
Lorsqu’apparaît le ciel de nuit
Balayant les mots dérisoires
Il faut voir couler le passé
En filets d’or et de fumée
De la page tournée du temps
vers un avenir de silence
Se recueillir encor une fois
Et puis se taire dans l’attente
Que l’âme sorte du cocon
Avec son léger bruit de soie
Jeanne CHAMPEL GRENIER
El tiempo muy féliz
Les vieilles isolées dans un coin du patio
Ont le chapelet des chaînes de puits rouillées
Et le petit bassin rempli d’eau du rio
Leur fait une fraicheur sur leur jupe mouillée.
Il y a des œillets dans des pots sur les murs
Et leur parfum sucré rejoint celui des lys
Penchés sur les allées de mosaïque azur
Où sont peints des amours del tiempo muy féliz.
Quand on ouvre la grille de fer arabisante
Il faut pousser encore une porte cloutée
Alors on aperçoit la crédence luisante
Dans la sombre cuisine au silence vouté
Et les grands sièges noirs avec leurs accoudoirs
Disent des mots secrets très très mélancoliques
Du temps où s’agitaient la jeunesse et l’espoir
Avec les chants d’amour et leur jolie musique.
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Poème extrait de "Les champs nouveaux"
Diplôme d'honneur concours Apollon d'or 2013
Venise
Là-bas dans les canaux
De vieux airs de musique
Dérivent sur les eaux...
On entend leur écho
Un peu mélancolique
Crescendo
Decrescendo
Les palais de dentelle
Meublés de violoncelles
Ont leurs dessous dans l’eau
Et partout des jardins
Débordants de jasmin,
Des fontaines à champagne,
Où pétillent les oiseaux
Apportent la fraîcheur
Andante allegretto...
(...)
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Poème extrait de "Feu de tout bois"
Toi l’Émigré
Jour et nuit aux aguets
Loin du puits de ta vie
les pieds foulant la terre
Des rêves avortés
Tu as dans le regard
Des filets à perdrix
Tu écoutes les blés
Sous les bottes du vent
À sept lieues des tourments
Émigré du désert
Immense de l’ennui
Quand seras-tu debout
Les mains touchant le ciel
qui apporte la pluie
Sur les sables en fleur
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Fresque
Devant moi se suivaient les biches matinales
Avec leurs très grands yeux étirés vers les tempes
flancs à demi noyés d’une brume d’estampe
au pied de la montagne aux formes minérales
ainsi, je pouvais voir l’ensemble de la harde
C’était l’antique fresque bondissante et sauvage
Tous les profils des têtes dans le bon sens du vent
Que le matin du monde peignait là devant moi...
L’univers était neuf, tout allait arriver
Et debout sur le seuil, je regardai passer,
Moi, chamane oublié depuis le fond des âges,
L’infini du troupeau sur le mur sablier
Je déposai ma main sur la paroi mouillée
Et soufflait fort dessus afin de la signer
Jeanne CHAMPEL GRENIER
Poème extrait de "Feu de tout bois"
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